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LE BAISER DE NARCISSE


convulsaient sa bouche triste. Dans sa pauvre petite tête sans grande intelligence, habituée à ne concevoir que des choses élémentaires, elle tâchait d’apercevoir le trou avec la lumière, la sortie de la grotte, l’échelle du toit. Puis subitement, fébrile, ses prunelles illuminées, elle se haussa, au risque d’une chute, elle se haussa jusqu’à l’oreille de Milès, s’agrippant à sa belle robe jaune, à sa nuque duvetée, car elle osait maintenant. Elle lui murmura quelques paroles comme un secret. Et soudain l’adolescent fut si joyeux, si rempli, lui aussi, de belle espérance, que rencontrant le regard mouillé et tendre de la petite, il frôla le front soumis de ses lèvres.

Elle défaillit presque, surtout lorsque d’un geste brusque Milès l’écarta…

Debout contre une des colonnes de l’enceinte sacrée, Enacrios, rigide, pâle et froid comme du marbre, Enacrios les regardait avec les yeux fixes qu’ont les morts.

Il avait vu leur baiser.