Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/183

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pour entraîner Gérard. Mais le jeune sculpteur se récusait, préférait disait-il, rester fidèle, même en souffrant, au souvenir du passé. Quant aux gens, quant à la populace, cela ne lui importait guère. Dès à présent, le voile du temple était tiré sur ses illusions mortes.

Tout ce qui était humain deviendrait étranger.

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Trois jours après, escorté de curiosités et de ricanements, le musicien partait, emmenant Nelly. Gérard les accompagna jusqu’au bateau, jusque sur le quai primitif et grouillant de la Marine. Il embrassa son père et sa sœur. Puis il remonta à pied la route qui serpente entre les vignes et les citronniers, s’arrêta un instant, à mi-côte, devant la porte fleurie du cimetière. Il traversa ensuite le village. Des gens se découvrirent. Son air simple et triste lui attirait la sympathie. Il dévala l’autre côté de la colline, arriva devant sa maison. La petite Nannina, souriante, lui ouvrit la porte. Il entra, sans voir que Nannina était jolie… Déjà, l’ombre du soir errait dans l’atelier semant ses profondeurs atténuantes et mystérieuses. Allons ! il fallait travailler. Travailler pour vivre et pour s’excuser de vivre… Doucement, Gérard découvrit les ébauches. Il y avait là un buste d’elle avec sa taille souple et nerveuse, ses