Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/190

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Il a fallu que nous venions, les bras courbés sous l’amphore de nos songes ; il était besoin que nous ressuscitions par un matin d’automne le cortège inoubliable et somptueux des voluptés du Monde pour que tous ces cadavres nous sourient ! Voyez, Gérard, voyez, vous qui regrettez et qui souffrez, vous qui chérissez les noblesses funèbres, ouvrez les yeux sur le symbole de ces marécages. Ainsi qu’autour de vous, à l’enfance d’un siècle neuf, des ferments se procréent, des calomnies vibrent, des pestilences s’évertuent : mais il suffit d’une colonnade pour l’Immortalité.

Ces pierres nous crient : Vivons ! afin de laisser après nous une façade qui résiste ; qui cisèle sur le ciel bleu la beauté pure de la Pensée…

Mais Gérard ne tressaillit point à ces paroles. Cependant que Hultmann parlait, et que le vent mêlait sa voix aux tiédeurs du sud, le jeune homme évoquait une forme blonde peuplant ce désert morne par sa beauté.

Lorsque, après avoir quitté Paestum, ils eurent gravi les montagnes roses qui bordent le golfe dont jadis parla Lucrèce, lorsqu’après les routes sinueuses aux fraîches cascades et bordées de châtaigneraies, ils entrèrent par de vieilles portes espagnoles et par des pont-levis mauresques dans les