Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/199

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Or, Gérard Maleine qui, jusqu’à ce moment, paraissait échapper à toute emprise, expliquait selon lui le charme de ces fantômes. Nous devrions, grâce à eux ne plus comprendre et ne plus aimer qu’une humanité immobile et muette. Nos frères que nous croisons dans le tumulte affairé des grandes villes, et nous-mêmes, fiévreux de civilisation, nous ne sommes des monstres que par la parole et le mouvement. L’enveloppe extérieure des hommes est restée idéalement et généralement belle. Les discussions les défigurent. La hâte leur enlève toute harmonie. Nous ne devrions jamais gâcher un beau geste ou une expression pensive par un mot trop vulgaire, par une volte précipitée. Il faudrait que notre passion pour un homme grave ou pour une femme belle sache se recouvrir toujours, comme dans les temples, d’un masque mystérieux…

Reprenant leur course, le poète et le sculpteur suivaient les longs corridors reliant les salles fraîches, et tandis que leurs pas résonnaient en claquant sur les dalles, ils détaillaient la robe austère, la pose hautaine et si tranquille d’Agrippine mère de Néron ; le buste violent, au front raviné, aux sourcils convulsifs de Caracalla, pour stationner devant l’Isis multicolore et multiforme qui préside