Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/57

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s’asseyaient là. À la table des Baylen ils avaient vu l’aînée des sœurs de Gérard, Nelly, taillant une bavette interminable avec le beau prince Minosoff, et avec Saturnin Cruche, le poète verlibriste et constipé — Jules César de Nesles en littérature. — Beaucoup de monde, du reste. Ça en craquait ce soir. Il y avait les deux Altesses russes, l’Infante. On avait refusé, à cause de la foule, la Reine de Porto-Novo. Est-ce que vous avez vu la nouvelle pièce des Arts ? le Salon russe ? l’impresario d’Ymière et ses yeux de christ en Madeleine ? les « Vampires » au Grand Guignol ? La jeune Mme d’Elaine, ex-Gillette, n’en revenait pas des « Vampires ». Et devant Noviglia, quasi abruti d’un tel caquet, elle lui disait, les yeux dans les yeux, embaumant des Guerlains variés, jolie d’ailleurs comme un ange : « Figurez-vous qu’on dissèque un cadavre après l’avoir violé, et ça, voyez-vous, c’est sublime et définitif… »

Cependant Gérard se levait. Il prenait congé en douceur, ayant obtenu de Miss Stawthorn un rendez-vous, le dixième depuis un mois, rendez-vous auquel l’américaine viendrait, sortant d’un match quelconque, très en forme, l’air d’une petite guerrière grecque, mais flappie, contentée, sans autre désir que celui de boire un whisky with Poland.