Page:Adelsward-Fersen - Et le feu s’éteignit sur la mer.djvu/83

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premier baiser… Gérard arrivait maintenant au bout de la promenade. Il y avait là une grille très simple, cimentée dans le roc, et qui surplombait le paysage. Maleine regarda :

Devant lui, violets et rouges, déchiquetés, jaillissant hors de l’écume comme des divinités farouches, léchés, rongés, ulcérés, mordus par la tempête patiente, les Faraglioni, écueils dressés là depuis les contractions du monde, montaient leur garde aiguë devant l’horizon intensément bleu, pareils aux phares aveugles de la destinée.

Du point où Gérard se trouvait, dominé par une crête de rochers sauvages d’où giclaient en épines, en aiguilles et en griffes toute une flore fantasque, haineuse, de cactus, d’aloès, de figuiers de Barbarie et de yuccas, il découvrait le sentier de chèvres fait d’arêtes et d’éboulis menant en bas, près des falaises, au bord des vagues sans cesse en rumeur.

Cela ressemblait à une avalanche grandiose, cette coupe de montagne, à une avalanche dont l’élan se serait soudain pétrifié. Ému par cette magnifique désolation, Gérard se retourna, et sur la droite, découvrit le Monte Solaro accroupi dans la mer comme un Sphinx de bronze, énorme et décapité. Sa masse obscure, depuis la Punta Ventosa jusqu’au sommet chauve, crénelé d’anciennes fondations,