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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

tu une autre femme ? Moi, je te suis dévouée comme une mère. Si tu en aimes une autre, j’irai lui parler pour toi.

— Non, non… Reviens dans quelque temps…

— Rappelle-toi ce que je t’ai dit : jamais tu ne trouveras une caillette aussi potelée, aussi jolie, aussi amoureuse…

Sur la beauté de Nour-el-Eïn, Alyçum savait à quoi s’en tenir : les femmes les plus jalouses admiraient la fille d’Abd-el-Rahman ; mais il avait hésité à cause de son attachement pour son directeur spirituel. Ses amis, Mokawa-Kendi et Akr-Zeid-Taï, avaient été d’avis qu’il pouvait opter soit pour la femme, soit pour les leçons d’El-Zaki, « Le cumul est peu honorable », avaient-ils conclu.

— Et Indjé-Hanem ?

— Je ne l’aime plus…

— Alors, à ta place, je choisirais Nour-el-Eïn… Une jolie femme est plus rare qu’un bon maître.

Alyçum préféra renoncer à cette liaison. Il chargea Warda de paroles aimables pour sa messagère et motiva son refus par le respect qu’il avait pour le cheik.

Les réunions dans la bibliothèque ne furent pas interrompues. Alyçum toutefois y apportait moins de franchise. Il n’éprouvait aucune satisfaction d’avoir accompli son devoir et ne songeait pas à mépriser Nour-el-Eïn pour sa démarche. Le goût du sacrifice lui faisait défaut. Par une étrange aberration, il avait le sentiment vague que son