Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/160

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crispées. Elle prit les osselets, les jeta en l’air… Tous les cinq retombèrent sur le tapis. À maintes reprises elle répéta son geste en songeant « Trois… il m’en faut trois… Alors Alyçum m’aimera… » Elle s’acharna après le jeu avec une colère grandissante. Amina regardait consternée le pli méchant qui se creusait entre ses sourcils, et la vieille Mirmah, que ne trompait pas le sourire persistant de sa maîtresse, dit d’une voix douce et maternelle :

— Repose-toi, ma chérie… tu te fatigues, je te jure…

— Tais-toi, interrompit Nour-el-Eïn rageusement.

« Il m’en faut trois, songeait-elle, et Alyçum est à moi… Oh ! j’y parviendrai ! » Ne pensant même plus à ce qu’elle faisait, elle lançait les osselets sans méthode par deux, par un, par quatre, au hasard.

— J’en veux trois, trois, trois… Allez au diable ! Et violemment elle les projeta au fond de la salle.

— Laissez-moi tranquille, dit-elle avec rudesse aux deux esclaves, qui s’efforçaient de la consoler.

— C’est ma faute, dit Amina. Tu jouais si bien et je t’ai donné le mauvais œil…

— Assez… Dis-moi si Warda vient aujourd’hui ?…

— Oui, je crois.

— Je crois… Que m’importe si tu crois !… En es-tu sûre ?

— Elle viendra, fit Mirmah.

— Elle viendra… Comment le sais tu ?