Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/188

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cieux, le chapelet en main. Lorsqu’il se tournait vers Goha, c’était pour lui dire poliment :

— Tu me réjouis…

— Que Dieu te réjouisse, répondait Goha.

Les esclaves causaient bas et saluaient avec raideur. Ils baissaient les paupières dès qu’on les regardait, comme pour cacher des secrets. La maison semblait plus grande, plus vide et l’on eût dit que les marches de l’escalier étaient plus difficiles à gravir. Son affection pour le cheik était moindre et il ne songeait que rarement à lui mettre la main sur l’épaule. Quand il le considérait avec insistance, des métamorphoses s’opéraient sous ses yeux. Peu à peu le visage du cheik se transformait, son caftan devenait une tunique claire, ses traits s’efféminaient, se prunelles prenaient des tons gris… Goha reconnaissait vaguement cette vision d’un instant, mais ne savait pas la distinguer des tableaux innombrables qu’El-Zaki avait fait jaillir pour lui, de ses livres.

De ces entretiens Goha revenait déçu. Un charme y faisait défaut, auquel inconsciemment, il avait été sensible lors de ses premières visites.

Par contre, il s’était rapproché de Hawa. Entre la négresse et lui des rapports presque quotidiens s’étaient établis. Dès qu’il la voulait, il allait la prendre sur sa natte. Elle craignait de donner l’éveil en allumant la chandelle et, d’ailleurs, l’obscurité sauvegardait l’illusion de son amant. Il l’appelait « mon jasmin » et c’était sans