Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/233

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— Si tu voyais tes yeux ! dit Amina tendrement… Ils sont grands !… Jamais tes yeux n’ont été si grands !…

Nour-el-Eïn eut un bâillement qui découvrit son palais rose.

— Emmène-moi… Je meurs de sommeil !

Dans son lit néanmoins elle ne parvint pas à se rendormir. Elle changeait de pose à tout instant. Fiévreuse, agitée, elle s’embarrassa dans ses couvertures. Elle les rejeta brusquement, s’assit et couvrit de ses mains ses tempes bourdonnantes. Longtemps elle resta ainsi, incapable de réfléchir, écoutant battre son cœur.

Un goût amer, persistant, lui fit faire une grimace. Elle s’étira et, ramenant devant elle ses mains en croix, elle regarda sans dégoût ses doigts sales.

— Qu’est-ce que j’ai ? dit-elle distraitement.

Sa veulerie avait une cause qui lui échappait. Elle était mécontente… mais de quoi ?

— Allah ! s’écria-t-elle.

Elle venait de comprendre tout à coup.

— Amina ! Amina !

L’esclave parut. Nour-el-Eïn lui prit le bras si brutalement qu’elle lui enfonça ses ongles dans la peau.

— Tu me déchires !

— Je voudrais te déchirer l’âme ! s’écria Nour-el-Eïn sans desserrer ses doigts. Je te déteste !… Tu as voulu le malheur de ma vie. Je te déteste.

— Mais pourquoi ? balbutia Amina toute rouge et prête à pleurer.