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de le découvrir. Il prit cependant une allée, au hasard, ébloui par ce décor fastueux. Soudain, il s’arrêta. Des voix lui parvenaient distinctes.

— Maintenant mets-toi debout et dénoue tes nattes.

Un instant, Goha hésita. Entre le feuillage rayonnait une nappe phosphorescente. Il s’en approcha et vit un immense bassin de porphyre, encadré de figuiers de banian et de plantes en broussailles. Dans l’eau, une fillette nue se baignait. Un homme grisonnant, au visage dur, vêtu d’une robe somptueuse, était étendu sur un tapis et parlait :

— N’entends-tu pas un bruit ?

— Non, mon seigneur…

— Tant mieux. J’ai cru que quelqu’un osait s’aventurer par ici.

Goha, s’il avait compris, se serait esquivé, mais, tout à l’idée de retrouver sa monture, il se rapprocha encore. Le seigneur parlait amoureusement :

— Allah ! tu es la plus belle de mes femmes, la plus belle fille de l’Islam !

Sans répondre, elle ramenait sur son corps, l’eau pure qu’elle soulevait dans ses mains rapprochées. Lui, enthousiasmé, s’écria :

— Tu as fait un geste et j’ai vu le monde entier !…

— Tu as vu mon âne ? s’écria Goha en s’élançant vers lui.

La fillette, surprise nue, poussa un cri de détresse et se plongea dans l’eau du basin jusqu’au menton pour cacher le plus possible d’elle-même. Quant au Mamelouk, il était devenu livide de colère.