Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/253

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— Écoute Goha… Tu ne m’as pas encore raconté ce que tu as fait aujourd’hui… Tu as été fidèle ? Tu ne m’as pas trompée ? Tu me le jures ?

— J’ai pris mon âne, répondit-il, et j’ai vendu des fèves…

— Tu te moques de moi, s’écria-t-elle gaiement, tu n’as pas vendu des fèves !

Il eut un frémissement et, d’une voix saccadée, il répliqua :

— Ah ! tu savais ? On m’a volé… Sur les dix sacs à mon père… D’ailleurs, j’ai rapporté deux moutons… Je ne sais pas comment cela s’est fait… il y avait un mur… Alors tu savais que je n’ai pas vendu mes fèves ?…

— Que veux-tu dire ? demanda Nour-el-Eïn.

Soudain, elle eut un rire nerveux :

— Marchand de fèves ? toi ?

Mais Goha poursuivait sa pensée :

— Tu m’as vu ?… Oui, c’est vrai… puisque tu étais avec moi… Je me rappelle maintenant, ajouta-t-il en se frappant le front, tu étais avec moi.

— Avec toi ? Et où étais-je quand tu m’as rencontrée ?

— Tu étais avec moi, là, oui, là devant mes yeux et là, dit-il, la main sur la poitrine, et aussi par terre…

— Par terre ?

— Quelquefois d’un côté, quelquefois de l’autre côté, quelquefois derrière, quelquefois devant… parce que tu marchais avec moi…