Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/263

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jolies, souples dans leurs tuniques roses, vinrent à lui, enlacées :

— Prends celle de nous qui te plaît le plus, dit l’une d’elles, nous sommes sœurs et nous nous partageons les bénéfices.

— Eh quoi ! répondit Goha avec humeur, je ne prends ni l’une, ni l’autre ! Si vous ne voulez pas acheter mes fèves, laissez-moi tranquille !

Son intonation courroucée égaya les filles. Elles empêchèrent Goha d’avancer et cherchèrent à lier conversation. Elles lui caressèrent les joues, le complimentèrent pour son visage rond et sa poitrine bombée. Gagné par ces manières affables, Goha s’étira nerveusement, bâilla et sourit aux deux sœurs qui le regardaient avec curiosité. Encore imprégné de son rêve, grisé par le souvenir de la femme aux cheveux ébouriffés, il trouva les filles extrêmement laides. Il fut sensible à leur laideur, comme à une marque évidente de leur sympathie. Par contre, parce qu’il était heureux, il leur attribua de la douceur et de la bonté. Sans doute attendaient-elles de lui des effusions fraternelles. Dans sa naïveté, il crut que rien ne leur ferait autant plaisir que d’entendre ses confidences.

— Écoutez, leur dit-il en les enlaçant chacune d’un bras, je vais vous dire la vérité. Vous êtes gentilles… oui… toutes les deux vous êtes gentilles. Mais vous n’avez pas vu celle qui vient sur la terrasse… Oh ! mon cerveau !… C’est de la crème !

Il se prit la tête entre les mains, claqua de la langue et répéta :