Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/271

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— Tais-toi… J’ai peur… Si je m’en allais ?…

— Oh ! non… Reste, reste…

Hawa eut un frémissement. Jamais, elle n’avait connu à Goha cette voix passionnée. La supplication qui s’adressait à une rivale, en même temps qu’elle excitait sa jalousie, lui donnait une jouissance sensuelle très intime.

— Mets tes bras autour de moi, disait la femme… Ton âme est comme un jasmin… Elle est blanche…

Dans la chambre mortuaire, le nombre des pleureuses s’était accru. À leurs plaintes frénétiques, répondait, venant du désert, le son aigu d’une flûte qui semblait parler à de mystérieux auditoires assis en rond.

Hawa surprit chez la femme des signes d’inquiétude. Elle s’écarta de Goha, ébaucha le geste de se lever, balbutia des phrases où revenaient sans cesse les deux syllabes « J’ai peur ! J’ai peur ! » Mais Goha la retint par le bras. « Reste, reste encore ! » Craintive, indécise, elle tourna la tête vers lui, l’interrogeant du regard.

La négresse reconnut Nour-el-Eïn.

Elle demeura un instant stupéfaite. Puis elle balança les deux mains pour marquer sa surprise et la naissance en elle d’un sentiment. Elle murmura « Nour-el-Eïn », répéta le nom plusieurs fois, pour bien fixer le point primordial de ce qu’elle avait découvert et de ce qu’elle éprouvait, pour poser en quelque sorte les fondations de son dégoût. Enfin elle parla en variant ses intonations. « C’est Nour-el-Eïn, ma sœur — oui, ma