Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/334

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le palier. Ils étaient engagés dans une discussion politique.

— Il faut que le Sultan, le vrai Sultan, celui de Stamboul, rétablisse son pouvoir, disait l’Effendi, tandis que le vendeur d’oranges prenait parti pour les Mamelouks rebelles.

Les filles les avaient suivis dans la maison. Elles se tenaient à distance et les écoutaient, curieuses de savoir si c’était chez Amina que le jeune homme passerait la nuit. Contre leur attente, il disparut derrière une tenture qui se trouvait à gauche de l’entrée. Elles se regardèrent stupéfaites, puis elles s’élancèrent dans la rue devant la fenêtre du rez-de-chaussée, juste à temps pour surprendre Hawa qui, la face éclairée d’un énorme sourire, fermait les rideaux.

— Tu as vu sa tête ? Une vraie poêle à friture !

— Elle fera la fière demain.

— Qu’elle essaie… Par Allah ! je lui casserai les os !

— N’oublions pas que Sayed la protège.

Elles revinrent s’asseoir sur le pas de la porte et s’aperçurent qu’un homme s’y était installé en leur absence. C’était Goha.

— Qu’est-ce que tu viens faire ici ? demanda l’une des Circassiennes.

Ne recevant pas de réponse, elle se pencha sur Goha et le rudoya.

— Hé là ! fit-il, hé là !

— Qu’est-ce que tu caches là, sur tes genoux ? demanda la prostituée.

— Ma fille.