Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/336

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mations et des rires. Deux ombres s’agitaient. Un homme cherchait à fuir, tandis qu’un autre le retenait de son poing crispé.

— Qu’Allah te coupe en morceaux, tu te moques de moi ! disait l’un.

— Je ne veux que ton bonheur, disait l’autre.

Goha reconnut la voix de Sayed. Le vendeur d’oranges, les muscles saillants, bombant le torse, était planté droit sur ses jambes. Au bout de son bras, l’Effendi gesticulait.

— Voyons, Sayed… Tu plaisantes !

— Suis mes conseils, répliqua le vendeur d’oranges sans desserrer son étreinte, et tu me béniras.

À ce moment les rideaux rouges s’écartèrent et Hawa parut à la fenêtre. Elle se pencha au dehors pour suivre la discussion.

L’Effendi continuait à parlementer.

— Au nom de ta mère, Sayed, allons-nous-en…

Le marchand ne répondait toujours pas, mais son mutisme avait quelque chose de résolu, de menaçant qui impressionna l’Effendi. Il essaya de rire

— Ha ! Ha ! quelle bonne farce !

— Suis mon conseil, dit Sayed à voix basse.

Cette fois, l’Effendi fut réellement pris de panique. Il mit précipitamment un sequin d’or dans la main de Sayed.

— Garde ça ! répliqua Sayed avec colère. La femme que je te propose est un morceau de sucre. Tu coucheras avec elle… Ou bien…

Sans achever sa phrase, il traîna son compagnon