Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/381

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Tout à coup, il vit se soulever la portière et Goha apparaître, couvert d’un grand châle rouge que Khalil avait jeté sur ses épaules.

« Il n’est pas nu, tant mieux ! tant mieux ! » pensa le Cheik. Le grand châle rouge le soulageait, le rassérénait. Puis, remarquant la mine terreuse, le regard fiévreux, l’aspect minable de cet homme dont il avait admiré si souvent la vigueur et la beauté, il se demanda si Goha ne venait pas chez lui pour y mourir ou pour lui confier quelque secret extraordinaire. « Est-il devenu fou ? » pensa-t-il encore en s’apercevant que Goha lui souriait d’une manière étrange.

L’ambiance plaisait à Goha. Dans cette bibliothèque, il se sentait en lieu sûr. Il éprouvait du bien-être à s’y retrouver tout à coup.

— Assieds-toi, dit brusquement El-Zaki en voyant Goha s’asseoir. Et maintenant explique moi vite ce que tu veux. Pourquoi n’es-tu pas habillé ? D’où viens-tu ? Je suis contrarié que tu te sois présenté chez moi dans cette tenue de Soudanais… Remarque d’ailleurs que les Soudanais ont soin de fixer… Et comme ses pensées s’embrouillaient, il claqua des doigts, haussa le ton : Serions-nous même chez les sauvages, que je ne saurais permettre, non en vérité, je ne saurais permettre…

Il chercha un moment sur quoi devait porter sa défense et il acheva son discours par un geste emphatique.

— Est-ce qu’on apporte le café ? demanda Goha d’un air sournois.