Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/39

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Goha fixait sur Mahmoud un regard triste et passionnément sincère. Il n’aspirait qu’à se soumettre, mais il avait besoin de savoir ce qu’on lui demandait et il souffrait de ne pas comprendre.

— À vingt-cinq ans, tu n’as ni position, ni considération dans le monde ! s’écria Mahmoud. Ce n’est pas de toi qu’on pourra dire que tu es le fils de ton père

Tandis que les femmes répétaient en chœur : « Non, on ne pourra pas le dire, non, vraiment, on ne pourra pas le dire », il ajouta :

— Et cela me chagrine… Pourquoi faut-il que tu sois un être spécial et étrange ? J’ai fait ce que j’ai pu pour toi sans résultat. Aujourd’hui même, je serais peut-être encore disposé à te conseiller, à te guider dans la bonne voie… mais comment ?

Prenant ses épouses, Hawa, ses filles elles-mêmes à témoin, il demanda plaintivement :

— Est-ce qu’il n’a pas essayé tous les métiers ? Elles approuvèrent, en chœur :

— Oui, notre maître, il a essayé tous les métiers.

— Est-ce que je n’ai pas toujours été patient avec lui ?

— Oui, notre maître, tu as toujours été patient.

Mahmoud haussa les épaules et une bouffée de sang lui colora les joues au souvenir des humiliations quotidiennes que ce fils unique lui imposait. Il avait salué la naissance de Goha par des repas plantureux, des prières et des distributions de farine ; heureux de s’être assuré une descendance mâle, il avait suivi avec intérêt le dévelop-