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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Sa boutique est dans les parages de la mosquée Hassan.

— Mais oui, c’est un borgne.

— Et sa moustache ! Ha ! Ha ! Sa moustache… Dix poils à l’est, dix poils à l’ouest. Continue, Ambar.

— Il emprunta la casserole et revint trois jours après. « Mon voisin, une nouvelle, cria-t-il en frappant à la porte d’Abd-Allah, une bonne nouvelle ! — Qu’est-ce ? demanda celui-ci en tirant les loquets. — Une bonne nouvelle, mon voisin, ta casserole vient d’accoucher. »

— Que Dieu, te coupe en morceaux, Ambar, tu es l’homme le plus plaisant du monde !

Le terrassier, qui avait ri plus fort que les autres, poursuivit les yeux brillants de malice et les bras en mouvement :

— Abd-Allah, qui connaissait la sottise de Goha, flaira une bonne affaire, Il soupira, se frappa la poitrine. « Ah ! ma pauvre casserole, elle a dû bien souffrir… Mais en es-tu sûr, Goha ? — Si j’en suis sûr ! Tu me l’as prêtée vide et, ce matin, je l’ai trouvée chargée de trois petites casseroles. Tout en ce monde est question de destin, ta casserole a eu des petits… »

— Que Dieu t’extermine, Ambar ! Ton histoire est amusante.

— Goha voulut se venger, reprit le maçon. À quelque temps de là, il demanda une autre casserole à son voisin. C’était pour cuire un mouton. Abd-Allah s’empressa de le satisfaire : « Elle est cinq fois plus grande que la première, dit-il, nous