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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

rue étroite. D’un brusque mouvement de reins, les portefaix projetaient sur le sol des matelas, des coussins et des tentures. La chute d’une échelle tira Goha de son sommeil.

Il allait se rendormir lorsqu’un rayon de soleil, filtrant à travers les persiennes mal jointes, joua sur son visage. Il voulut de la main le déplacer. Tout en grognant, il répéta son geste. Il se dressa enfin sur son séant, les yeux ouverts, bouffis de sommeil :

— Et après ? cria-t-il.

Au dehors l’agitation croissait. Les ouvriers hissaient d’immenses tentures autour du jardin de Cheik-el-Zaki. D’une voix traînante, ils chantaient une invocation à Dieu, moins pour implorer de la force que pour cadencer leurs gestes. Parfois un éclat de rire, suivi de jurons, interrompait la manœuvre. Les muscles se détendaient, mais il suffisait qu’un passant reprît la litanie pour que les hommes se remissent au travail, entraînés par ce rythme obsesseur, plus impérieux qu’un ordre.

Goha entr’ouvrit la croisée, avança la tête.

— Que faites-vous ? demanda-t-il.

— C’est aujourd’hui que Cheik-el-Zaki se marie, répondit un ouvrier à la face anguleuse.

Mais un cri s’éleva de toutes parts « Goha ! Goha ! » et des quolibets saluèrent l’apparition.

Les trois femmes de Hag-Mahmoud avaient décidé de se rendre, accompagnées de Hawa et de leurs filles, chez une de leurs amies, voisine d’Abd-el-Rahman, pour assister à la formation du