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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

— Allons, Goha, dit Alyçum, choisis, laquelle veux-tu ?

— Toutes ! répliqua Goha. Toutes !

Il était assis auprès de Waddah-Alyçum et de ses deux amis. La richesse de leurs vêtements attirait l’attention de la foule, leur attitude hautaine imposait le respect. Aussi Goha éprouva-t-il un sentiment complexe où se mêlaient la crainte et la vanité, lorsque Waddah-Alyçum qui l’avait aperçu tranquillement occupé à sucer une orange, le fit mander auprès de lui. Il accepta l’invitation de la même manière qu’il se soumettait à un ordre et fut tout surpris de l’accueil magnifique qu’on lui réserva. Son étonnement ne fut que momentané. Incapable de discerner ce qu’il y avait d’ironie dans les discours emphatiques que les jeunes gens lui adressaient, il ne tarda pas à se considérer très naturellement leur égal. Mokawa-Kendi et Akr-Zeid-Taï, pour ne point contrarier leur ami et trouvant d’ailleurs le jeu plaisant, s’empressaient autour de Goha, le gavaient de friandises et l’accablaient de flatteries. Le fils de Hadj-Mahmoud-Riazy éprouvait un bien-être indicible. Jamais auprès de Hawa, jamais même auprès des bêtes, il ne s’était senti aussi maître de lui. Pour la première fois, il était en harmonie avec les hommes, il pouvait s’abandonner à eux sans réserve. Aucune prudence, aucune contrainte n’étaient nécessaires. Il répondait spontanément à toutes les questions qu’on lui posait, riant avec ceux qu’il faisait rire, comme s’il pénétrait après coup le comique de ses paroles. Sûr de lui-même.