Page:Ades - Josipovici - Mirbeau - Le Livre de Goha le Simple.djvu/86

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
69
LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE


avait ressenties avant de rejoindre Hawa. Son amour de l’humanité s’était épuisé dans les bras de sa nourrice et il assistait maintenant à sa lente renaissance.

— Hawa, dit-il enfin, je t’aime.

— Oui, mon chéri, répondit la négresse en se serrant contre lui.

— Non, répliqua Goha en s’écartant un peu, je t’aime, comme j’aime Waddah-Alyçum, comme j’aime Cheik-el-Zaki, comme j’aime Sayed, le vendeur d’oranges.

— Alors tu ne m’aimes pas ! s’écria la négresse en sanglots.

Goha chercha vainement des paroles de réconfort. Mais la négresse se calma d’elle-même tout à coup. Après une courte pause, elle demanda avec curiosité :

— Qui est ce Sayed ?

— C’est le vendeur d’oranges, répondit Goha…

— Celui qui est grand et fort et qui porte de grosses moustaches ?

— Oui, le vendeur d’oranges.

— Ah ! quel homme ! répondit la négresse d’une voix sensuelle.

Et Goha, qui ne connaissait pas la jalousie, reprit :

— Ah ! quel homme !

Hawa s’apprêtait à se rendormir, mais Goha l’en empêcha. Il tenait à lui confier une résolution, prise dans la soirée.

— Écoute, Hawa, je vais épouser la fille du Cheik-el-Balad.