Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/142

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N° XXXVIII. De la situation des gens de couleur libres, aux Antilles françaises, avec cette épigraphe : Domine, deus meus in te speravi : salvum me fac ex omnibus persequentibus me, et libera me. Seigneur, je mets en toi ma confiance ; sauve-moi de mes persécuteurs, et délivre-moi de leurs mains, david, psaume VII, vers. 2.

Brochure qui a donné lieu au procès[1].

La France possède depuis quelque temps une législation basée sur la justice et l’équité. La Guadeloupe et la Martinique lui appartiennent ; et cependant les gens de couleur libres de ces deux colonies ne jouissent pas encore des droits que la Charte semble garantir à tous les sujets de Sa Majesté. Quelle peut en être la cause ? Est-ce qu’on nous donnerait pour raison que ce sont les lois mêmes du pays qui les privent des droits qu’ils réclament ? Mais n’avons-nous pas vu, en France, à une époque peu reculée de nos jours, la sagesse de nos rois faire disparaître, avec les abus de la féodalité, toutes les lois iniques[2] qui opprimaient une partie de la nation ? Pourquoi ne ferait-on pas dans nos colonies ce qui a été fait en France ? Est-ce que les préjugés, dont la législation portait jadis l’empreinte, auraient en Amérique une source plus sacrée qu’en Europe ?

Depuis l’heureux avènement de Sa Majesté au trône de ses ancêtres, des commissaires ont été envoyés dans nos colonies d’Amérique à diverses époques ; mais quel a été le résultat de leurs missions ? Malheureusement elles n’en ont eu aucun jusqu’à ce jour : car la position des gens de couleur libres n’a point été améliorée ; et l’avenir, qu’ils n’envisagent qu’avec effroi, ne leur promet encore que des jours pleins d’amertume et d’humiliation.

La caste privilégiée persisterait-elle à conserver ses révoltantes prérogatives ? On ne devrait cependant pas oublier quelles ont été les funestes causes qui nous ont ravi la plus belle de nos colonies.

Il est donc essentiel de s’occuper du sort d’une classe aussi utile que laborieuse, et qui s’accroît de jour en jour. Les gens de couleur libres demandent donc, au nom de la justice et de l’humanité, la destruction des lois exceptionnelles qui

  1. Elle est imprimée à Paris, chez J. Mac Carty, quai des Augustins, n° 17, sous la date de 1823 ; le dépôt en a été fait à la direction de la librairie. L’auteur est un propriétaire blanc de la colonie qui a vu les choses par ses yeux.
  2. Telles que la corvée, la main morte, etc.