Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/70

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autorité privée, quiconque avait eu le tort de leur déplaire, ou de ne pas répondre à leurs provocations ; on a vu les commandans des paroisses insulter aux malheureux qu’ils arrêtaient, brutaliser les sœurs, les épouses et les mères de leurs victimes, qui leur portaient des secours et leur donnaient le baiser d’adieu. Un habitant de la paroisse du Lamentin oublia sa qualité de magistrat de la colonie, au point de parcourir lui-même les villages pour y faire des arrestations. Dans les paroisses de la Basse-Pointe et de la Grande-Anse, où les violences furent les plus marquées, on vit un propriétaire, homme de couleur, (Rose-Ambroise) assailli, au milieu de la nuit, par une bande armée, essuyer le feu de la mousqueterie. Il parvint à s’échapper, et se rendit auprès du commandant de la paroisse pour se plaindre ; il fut à l’instant arrêté, puis plongé dans les cachots de l’habitation où se tenait l’assemblée illicite de son quartier. Il a été déporté, et il est mort dans la traversée pour France, par suite des mauvais traitemens qu’il a essuyés ; son fils aîné l’a remplacé dans les prisons.

M. Jacques Cadet possédait, en la paroisse du Robert, une habitation de la valeur de 130,000 fr. ; soupçonné d’avoir lu la malheureuse brochure, il est traîné dans la prison du Fort-Royal. Informé qu’il serait déporté, il fit appeler son jeune fils pour mettre ordre à ses affaires. Tandis que celui-ci remplit ce devoir douloureux auprès de son père, l’assemblée séditieuse de la paroisse se transporte chez lui, enfonce les portes, et livre son atelier aux plus grands désordres. Le fils rend plainte au procureur du Roi : pour toute réponse, il reçoit l’ordre de se rendre en prison où il est encore, s’il n’est pas déporté.

Jacques Cadet est cet homme de couleur dont il est parlé page 20 de la brochure ; il était désigné comme la victime de ce blanc qui, sans motif et par une affreuse méprise, assassina publiquement M. Desnodri, ce qui ne l’a pas empêché, après un an