Page:Affaire des déportés de la Martinique, 1824.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

détenus à bord du navire le Chameau, en rade de l’île d’Aix, je viens vous requérir, en vertu de l’article 119 du Code pénal, de constater le fait de leur détention arbitraire, et de m’en donner acte.

J’ai l’honneur de vous saluer respectueusement.

Par procuration d’Ed. Nouillé, Charlery Desgrottes, J.-B. Florestan, G. Saint-Aude, H. Zenne, F. Monganier, Tite Paulmy, C. Placide, J.-M. Dufond, J.-J. Verdet, J. Cadet, E. Papol, Armand, Lanison, J. Lesgarre,

Tant pour eux que pour ceux qui ne savent pas signer.

Isambert.

N° X. À S. Exc. le Ministre de la marine et des colonies.

Paris, 3 juillet 1824.

Monseigneur, je m’empresse d’accuser réception à V. E. de la lettre qu’elle m’a fait l’honneur de m’écrire sous la date du 30 juin, et qui m’est parvenue le 2 juillet par la poste à six heures.

Je la prie aussi d’agréer l’hommage de ma profonde gratitude pour cet acte de justice : d’après la date de la lettre, je dois espérer que V. E. aura fait expédier à Rochefort l’ordre télégraphique que j’ai réclamé par ma lettre du 29.

Jamais V. E. n’aura eu occasion de signaler sa justice, et de faire éclater ses nobles sentimens, dans une occasion plus importante.

La lettre de V. E. parle de condamnation. Il n’en a point été prononcé contre les quarante-une personnes de couleur libres de la colonie, sur le sort desquelles j’appelle son attention, et on n’est coupable que quand on a été jugé, a dit monseigneur le garde-des-sceaux dans la séance du 29 juin. Cette maxime incontestable est applicable à mes cliens. L’ordre de déportation est illégal ; dès leur arrivée en France, son effet a cessé de droit ; ils se sont trouvés placés sous la protection des lois de la métropole. Ils n’en peuvent être arrachés sans un jugement.

J’ignore les documens qui sont parvenus au ministère, et les reproches que l’on adresse à mes clients. Mais V. E. n’oubliera pas cette maxime d’équité, que l’on ne peut être jugé coupable sans avoir été entendu. Si donc on hésitait à les rendre à la liberté, il faudrait mettre leur défenseur à portée de discuter les charges, et pour cela lui donner communication des pièces. Si cette faveur m’était accordée (et je crois que cela est d’une rigoureuse justice, les usages administratifs n’étant point applicables dans un cas où il s’agit de la liberté des