Page:Agnès de Navarre-Champagne - Poésies, 1856.djvu/83

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Ne fiance n’aray, si bien suy avisée,
Cuer de marbre, couronné d’aymant,
Ourlé de fer, à la pointe acérée.

Si je me plaing et di souvent : Aimmi !
Qu’en puis je mais ? Ne doy je bien plourer ;
Car je n’ai pas la peine desservi
Qu’il me convient souffrir et endurer.
Elle me fait trembler et tressuer,
Feindre, paslir, frémir en tressaillant,
Quant pour ma mort voy en corps si vaillant,
Ouvertement, de fait et de pensée,
Cuer de marbre, couronné d’aymant,
Ourlé de fer, à la pointe acérée.

Honteuse suy quant je parole ainssy,
Et laidure est seulement dou penser,
Qu’il n’appartient que dame à son ami
Doie mercy ne grâce demander :
Car dame doit en riant refuser,
Et amis doit prier en souspirant,
Et je te pri souvent et en pleurant.
Mais en toi truis, quant plus suy esplorée,
Cuer de marbre, couronné d’aymant,
Ourlé de fer, à la pointe acérée.

Si ne te prier jamais faire depri
N’amours servir, n’obéir, ne loer :
Puisque raisons et mesure en oubli
Sont où tous biens deussent habiter :
Et soit ainssi, comme il porra aller,