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HISTOIRE

annales que s’en trouve l’explication. C’est la République de 1792 et de 1793 qu’il faut interroger, si l’on veut comprendre la perturbation jetée dans les esprits par l’avènement de la République en 1848. Jusque-là, rien dans notre passé qui préjugeât très-fortement ni pour ni contre l’établissement républicain en France, ou qui dût le faire considérer autrement que comme une conséquence naturelle, un développement probable de notre vie nationale.

On le sait, les principes essentiels de l’institution républicaine, la délibération et l’élection, remontent à l’origine et se perdent dans l’obscurité de nos traditions. Après les assemblées des Gaulois et des Germains, sources primitives de notre droit historique, l’organisation presbytérienne et l’esprit démocratique de la primitive Église rétabli et ravivé par le protestantisme, le régime municipal et communal, les états généraux, les parlements, les fondements grecs et latins de notre éducation universitaire, nos libres penseurs de tous les siècles, le jansénisme de Port-Royal, le mysticisme symbolique de la franc-maçonnerie, ne cessent d’entretenir, au sein de la France féodale et monarchique, un ferment d’indépendance et comme un foyer de vertus républicaines que les rois parviennent à couvrir de cendres, mais qu’ils n’étouffent jamais entièrement, et d’où jailliront, aux jours les plus asservis, de vives étincelles.

Ainsi, au moment même où la gloire de Louis XIV subjugue le pays à ce point qu’il en vient à confondre le patriotisme et l’honneur avec la soumission aux caprices du prince, quand le droit divin semble avoir absorbé en lui tous les autres droits, debout, au pied du trône, Fénelon évoque l’image d’une république idéale, dont la méditation du génie antique et la pratique de l’apostolat chrétien lui ont révélé les lois. Sous le règne de la Pompadour, Montesquieu proclame, aux applaudissements de son siècle, que la vertu est le principe de l’état républicain. Avec lui et après lui, au plus fort des abus, des déportements, des insolences d’une cour sans frein, les philosophes, les légistes, les his-