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HISTOIRE

du Luxembourg, pour rechercher les moyens d’organiser le travail ; puis il fit ouvrir des ateliers nationaux et commencer des travaux de terrassement et de construction qui occupèrent une partie des ouvriers auxquels on avait distribué jusque-là des bons de pain[1].

Mais, à Lyon comme à Paris, le gouvernement devait rencontrer dans le corps des ponts et chaussées la plus inexcusable inertie. Il n’y a rien d’exécutable sur-le-champ, les projets sont à l’étude, disent les ingénieurs ; à peine trouvent-ils de l’ouvrage pour une centaine d’hommes, quand plus de 20,000 prolétaires demandent de l’emploi. Heureusement, les chefs du génie militaire font preuve de plus de zèle.

Cependant le travail reste bien au-dessous des besoins, et le mauvais système de salaire à la journée, joint à un affreux gaspillage dans l’administration, produit bientôt les résultats les plus pitoyables[2].

L’état des finances rendait, d’ailleurs, la situation infiniment critique. La caisse municipale était très-obérée depuis longtemps ; un emprunt était irréalisable, et chaque jour il fallait pourvoir aux achats de vivres, d’habillements, aux payements des ateliers nationaux, etc. Les souscriptions volontaires, malgré la générosité du peuple, étaient insuffisantes. Les prolétaires exaspérés s’en prenaient aux riches qui émigraient, emportant, disait-on, des trésors ; ils accusaient les fabricants qui fermaient leurs ateliers, attribuant ces effets spontanés de la peur à une savante machination

  1. Du 26 février au 1er mai il a été délivré à Lyon pour 338,000 francs de bons de pain.
  2. « Le moindre des inconvénients de ces chantiers, dit l’Annuaire de Lyon (1849), c’était de coûter chaque jour à la ville, et en pure perte, des sommes énormes ; le plus considérable fut la démoralisation des classes ouvrières. » Je trouve l’évaluation suivante des pertes éprouvées dans les ateliers nationaux sur divers points, dans un rapport de l’ingénieur en chef des ponts et chaussées du département des Bouches-du-Rhône : « À Paris, valeur des travaux exécutés à peu près nulle ; à Lyon, 75 francs pour 100 de perte ; à Nantes, 65 pour 100 ; à Nîmes, sommes dépensées presque en pure perte ; à Arles, 61 pour 100. »