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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

fondue encore avec l’instinct, jetait comme au hasard, sur ce chaos mouvant, ses clartés rapides.

Pour se dédommager de la reddition des forts, les ouvriers s’étaient mis à démolir le mur d’enceinte ; ils poussaient avec un acharnement extrême cette œuvre de destruction et de représailles. M. Arago, pour prévenir les accidents causés par un travail précipité et désordonné, obtint qu’on en laisserait l’achèvement à la direction du génie militaire. Au bout de quelques jours, l’enceinte crénelée avait disparu. Il ne restait debout que le fort Saint-Jean, nécessaire, disait le décret, à la défense commune du faubourg et de la ville.

Toutes ces mesures, bien que révolutionnaires, ne soulevaient encore dans les classes riches aucune opposition apparente ; la noblesse et la bourgeoisie savaient gré au commissaire du gouvernement de ses efforts pour maintenir l’ordre, et elles connaissaient trop la force populaire pour trouver mauvais que l’on composât avec elle ; mais il n’en fut plus de même quand les jésuites et le parti ultramontain se virent menacés. Le signal de la résistance partit de ce côté, et la lutte commença, d’abord à demi avouée, mais bientôt ouvertement conduite avec une audace incroyable. M. Arago avait cru devoir prévenir le général des jésuites et le supérieur des capucins des dispositions hostiles de la population ; il les avait engagés à quitter la ville, se déclarant dans l’impossibilité de protéger contre l’animadversion du peuple des congrégations non autorisées par la loi. Peu de jours après, le 12 mars, il rendait un décret qui, rappelant les décrets de la Constituante, la loi de 1792, celles de 1817 et de 1825, prononçait la dissolution de toutes les congrégations non autorisées.

Aussitôt une plainte, des moins mesurées, fut portée au ministre des cultes par l’archevêque de Lyon contre le commissaire ; et comme le gouvernement provisoire refusait de lui donner satisfaction en rapportant le décret, le parti ultramontain, à défaut de satisfaction, se mit en devoir de se procurer vengeance.