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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

combat à outrance avec la troupe, restée maîtresse du centre de la ville. En vain le canon autrichien tonne pendant cinq jours ; en vain les bombes, les balles, la mitraille pleuvent du haut des bastions et des édifices publics sur cette héroïque population ; elle prend d’assaut le Dôme, les casernes et jusqu’au palais du vice-roi, que défend une artillerie formidable. Les femmes se mêlent au combat et l’animent ; elles chargent les fusils, portent les pavés, ramassent les morts, pansent les blessés, distribuent les vivres, chauffent l’huile bouillante que de tous les étages on verse sur la tête des ennemis. L’insurrection triomphe. Le 22, le maréchal Radetzki envoie proposer à la municipalité, qui s’est constituée en gouvernement provisoire, un armistice. Mais le peuple, exalté par sa victoire, force le gouvernement à rejeter l’armistice et lui arrache une proclamation qui appelle au secours de la ville la population des campagnes. On voit alors un étonnant, un merveilleux spectacle. Pendant que des hommes, munis de télescopes et postés en observation sur les clochers, signalent au peuple les mouvements de l’ennemi, des ballons, auxquels sont attachées les proclamations du gouvernement provisoire, s’élèvent dans l’air ; passant sur la tête des soldats, par-dessus les bastions et les remparts, à travers les balles qui ne les atteignent pas, vont porter sur tous les points du territoire l’appel à l’insurrection. Nulle part on ne réfléchit, on n’hésite. D’immenses masses d’hommes s’ébranlent ; les montagnards du Tyrol et de la Suisse italienne, les paysans de la Brienza, de la Valsassina, ceux du lac de Côme et du lac Majeur accourent en foule ; ils défont sur leur route les troupes autrichiennes déconcertées. Une poignée de jeunes gens s’emparent de la porte Tosa ; d’autres ouvrent la porte de Côme. C’en est fait, Milan est délivré. Le maréchal Radetzki, averti, d’ailleurs, que l’armée piémontaise s’approche, lève son camp dans la soirée du 22 et se retire précipitamment, en désordre, à travers les rizières de la plaine lombarde, vers Lodi et Man-