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HISTOIRE

ne les dissuadait pas de leur entreprise et laissait faire leur zèle. Madame Sand était l’un des agents les plus animés de la conspiration, moins dans l’intérêt de M. Ledru-Rollin que dans celui de M. Louis Blanc. Elle y avait amené M. Barbès et travaillait dans ce sens l’esprit des ouvriers qu’elle réunissait tous les soirs dans un petit logement voisin du Luxembourg, où elle était descendue. Vers la fin de la soirée, elle allait rejoindre au ministère de l’intérieur le petit cercle des initiés, parmi lesquels on comptait habituellement MM. Jules Favre, Landrin, Portalis, Carteret, Étienne Arago, Barbès, etc. Là, soit en présence de M. Ledru-Rollin, soit en son absence, on discutait les moyens de remettre entre ses mains le sort de la République. Ces moyens, depuis le succès de la manifestation du 17 mars, paraissaient très-simples. Provoquer, sous un prétexte quelconque, une réunion générale de prolétaires, tenir des armes et des munitions prêtes, ce qui était d’autant plus facile qu’on avait pour soi le préfet de police, entrer à l’Hôtel de ville, en chasser ceux des membres du gouvernement provisoire qui déplairaient, quoi de plus élémentaire et d’une exécution plus prompte ? Une seule inquiétude, mais grave, troublait les conspirateurs. On avait vu, le 17 mars, M. Blanqui paraître inopinément en scène ; on l’avait vu sur le point de remporter en un quart d’heure tout le fruit d’une journée préparée de longue-main et combinée en dehors de lui par ses adversaires. Quelle garantie avait-on qu’un homme aussi expert en matière de complot n’avait pas vent déjà de celui qui se tramait et qu’il ne saurait pas le faire tourner à son avantage ?

On n’ignorait pas que l’influence de M. Blanqui allait croissant dans les clubs. Il parut donc urgent, et de la plus savante politique, de ruiner cette influence. Pour le cas où l’on n’y parviendrait pas assez vite, on concerta le moyen de se débarrasser de M. Blanqui, à l’instant même où l’on se rendrait maître de l’Hôtel de Ville.

Le hasard vint servir à souhait la première de ces résolu-