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HISTOIRE

contre ses accusateurs. M. Raspail qui, malgré son esprit soupçonneux, prenait seul alors dans la presse parti pour M. Blanqui, trouvait bien, à la vérité, que sa réponse s’était fait attendre un peu trop longtemps, mais il l’excusait en rappelant que M. Blanqui était sorti de prison exténué, incapable d’un travail pénible ; et il terminait en sommant M. Taschereau de comparaître devant le peuple : « C’est devant le peuple que l’on triomphe, s’écriait Raspail ; c’est devant des juges opprimés par vous que l’on opprime[1]. »

Cette intervention d’un homme aussi défiant que M. Raspail, en faveur de M. Blanqui, rendit courage à ses partisans, un moment déconcertés en le voyant assimilé à l’infâme Delahodde. Ils relevèrent la tête et menacèrent à leur tour. Cependant, le tribunal d’honneur présidé par MM. Schœlcher et Étienne Arago, composé de MM. Lamieussens, Cabet, Dupoty, Langlois, Proudhon et Lachambeaudie, tenait ses séances ; il appelait en témoignage tous les compagnons de captivité de M. Blanqui à Doullens et au mont Saint-Michel ; on recueillit un grand nombre de faits qui pouvaient constituer une présomption morale, mais dont aucun ne produisait de charge judiciaire[2]. Peu à peu, les

  1. Voir l’Ami du peuple, No du 16 avril 1848.
  2. Par suite d’une plainte en diffamation, portée vers la fin d’avril contre M. Blanqui par M. Taschereau, la chambre du conseil du tribunal de première instance entendit en témoignage MM. Pasquier, Zangiacomi, Dufaure, etc. M. Dufaure, qui était ministre en 1839, dit qu’à cette époque M. Blanqui avait demandé à être mis en rapport avec un membre du gouvernement ; que M. Duchâtel s’était rendu trois fois à la prison de M. Blanqui et avait reçu de lui des révélations importantes. Selon une version répandue par quelques-uns des hommes qui composaient le tribunal d’honneur, M. Blanqui, pour obtenir sa grâce après le 12 mai, aurait consenti à faire connaître au ministre de l’intérieur les détails du complot. Il aurait dicté à sa femme le rapport en question. Celle-ci, suivant les conventions acceptées par M. Duchâtel, aurait été à plusieurs reprises lui faire la lecture du rapport en détruisant chaque fois les feuilles lues ; mais un sténographe, caché derrière une tenture, aurait écrit à mesure que madame Blanqui lisait ce document, où, d’ailleurs, Barbès et ses amis prétendaient reconnaître