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HISTOIRE

éveil, les entretenait dans l’espoir d’un coup de main et se disposait, comme il l’avait déjà tenté au 17 mars, à saisir la dictature au moment même où ses ennemis, dont il connaissait les menées, se croiraient maîtres de l’Hôtel de Ville.

La première quinzaine d’avril se passa ainsi : préparatifs au Luxembourg d’une seconde manifestation assez imposante pour achever de détruire, dans le gouvernement provisoire, le parti que M. Louis Blanc croyait frappé au cœur par la manifestation du 17 mars ; conspiration permanente au ministère de l’intérieur et surtout à la préfecture de police, où M. Caussidière servait d’intermédiaire entre les combinaisons de M. Louis Blanc et celles de M. Ledru-Rollin, sans toutefois s’en ouvrir ni à l’un ni à l’autre, les sachant incapables de s’entendre pour une action commune ; enfin, autour de M. Blanqui, comme je viens de le montrer, organisation d’un complot enté sur la conspiration, pour agir selon que l’indiquerait la circonstance et que le permettrait la fortune. Telles étaient les complications étranges du mouvement que, d’un jour à l’autre, on s’attendait à voir éclater dans Paris.

M. de Lamartine voyait grossir l’orage, et son esprit, si ferme tant qu’il avait senti la popularité, s’abandonnait à des inquiétudes extrêmes. La journée du 17 mars l’avait troublé profondément. Jusque-là, il ne lui était pas arrivé de mettre en doute son ascendant sur le peuple ; il avait cru régner sur les volontés parce qu’il enchantait les imaginations. Ce jour-là, son illusion se dissipa. Déjà il voyait pâlir son étoile. Malgré les nombreux avis qui lui arrivaient sur le résultat certain des élections dans le sens de sa politique, il n’avait plus de confiance en lui-même depuis qu’il avait passé la revue de l’armée prolétaire. Le triomphe de M. Ledru-Rollin l’éblouissait ; il croyait voir toute la force de la révolution se concentrer dans cet heureux rival ; il se reprochait de ne lui avoir accordé dans son estime politique qu’une valeur et une importance secondaire.

Dès ce moment son attitude changea. Il se rapprocha du