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HISTOIRE

La négation de ce droit est le point de départ des accusations qui se sont élevées après que les onze hommes investis du pouvoir par l’insurrection en eurent été dépossédés par l’Assemblée. Ce droit, il en faut convenir, n’est écrit nulle part ; il n’a jamais été formulé dans un article de loi ; on ne le rencontre dans aucune charte.

Le nier néanmoins, c’est, selon moi, nier quelque chose de plus évident et de plus légitime que toutes les lois écrites ; c’est nier le droit, le besoin suprême, inhérent à tout ce qui respire, de résister à la dissolution par tous les moyens que suscite l’instinct conservateur de la vie.

L’instinct social de la population parisienne, en prononçant le nom dès onze hommes qu’elle chargea de la guider pendant le déchaînement d’une tempête formidable, leur transmettait ce droit naturel et leur imposait le devoir de l’exercer en vue du salut commun.

Si l’on remonte dans l’histoire à l’origine des souverainetés les mieux établies, à partir de la souveraineté élémentaire des chefs de hordes nomades jusqu’à celle des dynasties royales et aux souverainetés compliquées des gouvernements constitutionnels, il est douteux qu’on en découvre une seule qui ait été conférée ou subie à un autre titre. Le consentement universel n’a jamais pu être que supposé et déduit de l’acclamation d’un grand nombre.

Mais cette légitimité d’origine, admise par le gouvernement provisoire, quelle était la nature et jusqu’où s’étendait la limite de ses pouvoirs ? C’était là une question plus grave encore, et qui devait donner lieu à des accusations nouvelles. Le gouvernement lui-même se partagea sur ce point ; il se forma dans le conseil une majorité et une minorité ; il s’y produisit spontanément comme deux consciences politiques. Selon la minorité, les pouvoirs du gouvernement, par cela seul qu’ils étaient révolutionnaires, étaient absolus, illimités, constituants ; on ne devait les abdiquer qu’après avoir complétement organisé les forces et institué les principes révolutionnaires dans l’État. Selon la