Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/23

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

qui s’était jetée avec ardeur dans l’agitation révolutionnaire, lui promettait le concours de sa plume éloquente. M. Sobrier le servait sous main ; M. Considérant proclamait tout haut ses sympathies pour lui ; M. Blanqui, nous le verrons bientôt, allait le trouver au ministère des affaires étrangères. Tous ces agitateurs sentaient bien que, s’il leur était facile de disposer à un jour donné d’une fraction plus ou moins considérable de la population ouvrière, ils étaient dans l’impossibilité de fonder un gouvernement, qui ne soulevât pas aussitôt contre lui la masse de la nation[1]. Ils se savaient trop profondément divisés entre eux pour essayer de se mettre d’accord. Toute leur ambition était donc de se maintenir en bons termes avec M. de Lamartine, qui n’avait de parti pris contre personne, et d’abriter derrière cette popularité peu défiante les projets encore irréalisables dont ils nourrissaient la chimère. Au moment dont je parle, tous les courants de l’opinion arrivaient à M. de Lamartine. La France entière le considérait comme un médiateur providentiel entre les partis et les classes. Le nom et le rôle de Washington lui étaient assignés par le vœu public. La suite des événements nous montrera comment lui échappa cette fortune et comment cette belle concordance des sentiments de paix s’évanouit pour faire place à toutes les haines, à toutes les fureurs de la guerre civile.

L’aspect de Paris, dans cette première période encore toute pacifique de la révolution, ne peut guère se décrire. Le besoin d’expansion de cette grande masse populaire que des lois rigoureuses avaient tenue depuis un demi-siècle exclue de la vie publique et comme frappée de silence, éclatait de toutes parts, se répandait en mille manières, prenait les formes les plus excentriques.

  1. Il est curieux de consulter à cet égard l’opinion peu suspecte de M. Louis Blanc : « Est-ce que M. de Larmartine, dit-il, ne jouissait pas alors (au 17 mars) d’une popularité éclatante, non pas au sein de quelques clubs, est vrai, mais parmi les masses ? » (Voir Pages d’histoire, p. 97 et suiv.)