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HISTOIRE

entrés à l’Assemblée, M. Odilon Barrot y jouait, en leur absence, le personnage le plus considérable.

Les nouveaux venus dans cette réunion imposante s’y présentaient avec une certaine timidité ; ils éprouvaient quelque embarras dans la compagnie des anciens parlementaires dont ils ne voulaient pas accepter, mais dont ils subissaient malgré eux l’ascendant. Presque tous apportaient de leurs provinces la résolution loyale de ne s’enrôler dans aucun parti, une connaissance très-imparfaite de la situation et, pour toute doctrine politique, le désir d’épargner au pays, comme l’avait su faire le gouvernement provisoire, le choc des factions et l’explosion de la guerre civile. À part la prétention d’une trentaine de représentants qui voulaient continuer la tradition jacobine et qui, en venant s’asseoir sur les gradins les plus élevés du côté gauche de la salle, se donnèrent collectivement, en mémoire de la Convention, le nom de Montagne, sans avoir toutefois de plan tracé ni d’idées arrêtées, l’habileté des uns, l’honnêteté des autres, l’hésitation et l’inexpérience du plus grand nombre, allaient en ce moment à une même fin ; tout, dans le langage comme dans les actes de l’Assemblée, parut empreint d’un esprit de tempérament et de prudence.

De leur côté, les cinq membres du gouvernement provisoire maintenus dans la commission exécutive, soit qu’ils fussent flattés et comme désarmés par cette marque de confiance, soit que les dangers à peine conjurés de la dictature révolutionnaire leur fissent considérer comme un souverain bien la jouissance paisible d’un pouvoir médiocre, s’abstinrent de toute initiative, afin de garder la paix au sein du conseil et de n’éveiller dans l’Assemblée ni contestation, ni ombrage.

M. de Lamartine, lui-même, quoique moins atteint que ses collègues de la lassitude qui suit les grands efforts, parce qu’il n’avait eu besoin d’aucune tension d’esprit pour s’élever à la plus haute éloquence et au plus haut courage, semblait prendre à tâche d’influencer le moins possible