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HISTOIRE

défendre ses droits ! » lui criait-on ; et comme il continuait à développer son thème sans s’interrompre, il arriva que l’Assemblée entière se levant impatiemment, l’on entendit ces cris, partis à la fois de tous côtés : Vous n’avez pas le monopole de l’amour du peuple ! nous sommes tous ici pour la question sociale ; nous sommes tous venus au nom du peuple ; toute l’Assemblée est ici pour défendre les intérêts du peuple.

À mesure que M. Louis Blanc parlait, le malentendu et l’irritation allaient croissants ; aussi, sa proposition fut-elle unanimement rejetée. Néanmoins, tout en repoussant avec quelque dureté les prétentions d’un socialiste, l’Assemblée écoutait avec sympathie, pendant ce débat, des paroles favorables au socialisme.

Il fut établi par plusieurs orateurs, sans que personne vînt y contredire ou parût s’en étonner, « que la question sociale dominait dans toutes les intelligences, non-seulement en France, mais en Europe. »

On insista sur le profond intérêt que prenait l’Assemblée à la cause que M. Louis Blanc venait défendre. Un ouvrier dit que les travailleurs espéraient tous en l’Assemblée ; que l’Assemblée pouvait avoir confiance dans le peuple. M. Freslon affirma que l’Assemblée poserait nécessairement toutes les grandes bases de l’organisation du travail. Si elle ne le faisait pas, ajouta-t-il avec l’accent d’une conviction sincère, la France la mépriserait ; elle serait maudite par la postérité[1].

En votant enfin, à l’unanimité, l’enquête sur l’amélioration du sort des travailleurs industriels et agricoles, l’Assemblée tint à bien marquer que, si elle écartait en la personne de M. Louis Blanc le système particulier d’un socialiste, elle n’entendait aucunement condamner l’esprit général du socialisme.

  1. Voir, au Moniteur, séance du 10 mai, les discours de MM. de Falloux, Peupin, Freslon, etc.