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HISTOIRE

puis la mort de son frère aîné et celle du duc de Reichstadt, il disait ouvertement, sans jamais prononcer le mot d’Empire, qu’il serait un jour le chef de la démocratie française. Ses dédaigneuses prodigalités n’étaient pas d’un particulier riche, mais d’un prince du sang. Bien qu’habituellement réservé, il avait parfois des accents de domination qui le trahissaient. Tacite, Lucain, Machiavel, l’histoire de Cromwell, étaient ses lectures favorites. Enfin, celui qui l’aurait alors observé avec attention, eût découvert en lui, sous la pâleur de sa physionomie presque immobile, sous l’indolence de son langage, sous un flegme incroyable dans une aussi grande jeunesse, la fixité ardente d’une ambition concentrée.

La reine Hortense excitait ses secrets instincts ; elle lui parlait sans cesse de l’Empire ; consultait les devins sur son avenir ; lui prédisait qu’il régnerait un jour ; et comme elle était possédée de cette pensée unique, elle s’attachait à la lui inculquer par tous les moyens en son pouvoir[1]. Le hasard la servit en envoyant à son aide un homme d’un esprit singulier qui devait en peu de temps systématiser, répandre au dehors et traduire en faits ce que l’on commença, dès lors, d’appeler à Arenenberg l’idée napoléonienne.

Vers la fin de l’année 1834, M. de Persigny, allant en Allemagne, s’arrêta au château d’Arenenberg. On ne l’y connaissait pas. C’était un homme d’une naissance obscure ; son nom était Fialin. Sa famille, sans fortune, et qui habitait un village du département de la Loire, n’ayant pu lui donner aucune éducation, l’avait fait entrer au service comme simple soldat. L’imagination inquiète du jeune Fialin, le désir de se pousser dans le monde, le déterminèrent, lorsqu’il eut fait son temps, à quitter le régiment où il n’avait pu dépasser le grade de brigadier. Il vint à

  1. Dès l’année 1825, du vivant du duc de Reichstadt, elle déclarait que le sang autrichien serait un motif d’exclusion à l’empire des Français, et que le prince Louis serait appelé à succéder au trône de Napoléon.