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HISTOIRE

« En 1830, disait encore M. de Persigny, pendant que la bourgeoisie de Paris crie : Vive la Charte ! le peuple crie : Vive Napoléon II ! Depuis lors, pas une année ne s’est écoulée sans troubles. Les émeutes du 12 mai, des 5 et 6 juin ; la Vendée, Lyon, Grenoble insurgés ; les attentats de Fieschi, d’Alibaud, sont autant de signes manifestes de la haine qui couve en France contre la royauté escamotée par la maison d’Orléans. Les partis extrêmes, républicains ou légitimistes, s’entendront sur le principe du droit national, le seul qu’il faille ouvertement invoquer ; l’armée tressaillira de joie à la vue des aigles impériales… »

Ces discours et d’autres analogues, souvent renouvelés dans les fréquentes visites de M. de Persigny au château d’Arenenberg, ces observations qui ne manquaient pas de justesse, développées d’une façon spécieuse devant des personnes intéressées par leur passion à y donner créance, furent la première origine du complot de Strasbourg.

Le prince Louis Bonaparte s’attacha, en qualité de secrétaire, M. de Persigny, qui rentra en France avec le ferme dessein de se vouer tout entier au triomphe de la cause bonapartiste, et qui prit, dès ce jour, pour devise, ces deux mots significatifs : Je sers. Il s’employa activement et habilement à nouer, au nom du prince, des relations utiles. Il vit, sous prétexte de leur remettre le Manuel d’artillerie, tous ceux d’entre les officiers de l’armée que l’on pouvait espérer séduire. Le même prétexte introduisit M. de Persigny auprès d’Armand Carrel.

L’opinion de Carrel, qui conduisait alors le parti républicain, ne lui parut pas défavorable à l’idée napoléonienne. Armand Carrel appartenait, en effet, à la tradition jacobine beaucoup plus qu’à l’école libérale. Dans son Histoire de la contre-révolution en Angleterre, il avait fait l’éloge de Cromwell, de sa violence inévitable : « Partout et dans tous les temps, avait-il écrit, ce sont les besoins qui ont fait les conventions appelées principes, et toujours les principes se sont tus devant les besoins. » Les projets