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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

du neveu de l’Empereur n’allaient pas contre ces doctrines. Carrel leur donna, dans une certaine mesure, son approbation. « Le nom qu’il porte, disait-il, en parlant de Louis Bonaparte, est le seul qui puisse exciter fortement les sympathies populaires ; s’il sait oublier ses droits de légitimité impériale pour ne se rappeler que la souveraineté du peuple, il peut être appelé à jouer un grand rôle. »

Beaucoup de républicains, qui n’espéraient plus voir l’établissement de la République en France, partagèrent l’opinion de Carrel. Les écoles socialistes n’étaient pas non plus hostiles à la pensée d’un dictateur du prolétariat.

De secrètes sympathies dans l’armée se révélèrent également à M. de Persigny ; si bien que, d’une donnée générale, on crut pouvoir passer à une application particulière, d’une idée à un complot. On sait comment fut ourdie la conspiration de Strasbourg. Quoique mal conduite et dissipée en quelques heures, dans la journée du 30 octobre 1836, elle ne laissa pas d’inquiéter le gouvernement de Louis-Philippe, car elle avait fait découvrir dans l’armée des pensées dont on ne soupçonnait pas l’existence ; dans le peuple, des souvenirs que l’on croyait effacés ; dans le parti républicain, une disposition à s’allier aux Bonapartistes, qui pouvaient susciter à la dynastie d’Orléans des embarras nouveaux et sérieux.

Mais Louis-Philippe n’eut garde de laisser paraître ces impressions. Il suivit une tactique plus habile, plus conforme, d’ailleurs, à son esprit de modération et de clémence. Au lieu de grandir le prétendant impérial par l’éclat d’un procès, le gouvernement prit à tâche d’amoindrir et de ridiculiser sa tentative. Le prince Louis-Napoléon fut enlevé de prison pendant la nuit qui suivit son arrestation, conduit en toute hâte à Lorient, retenu en mer prisonnier sur un vaisseau de l’État, pendant cinq mois, puis enfin débarqué sur le territoire des États-Unis d’Amérique.

En l’absence de l’auteur principal du complot, le jury de Strasbourg acquitta les complices. Pendant quelque