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HISTOIRE

Passant aux conseils, M. Pierre Leroux veut qu’on favorise l’association agricole, la colonisation, et, présentant cette pensée dans sa généralité la plus vaste, « ce grand mouvement de migration qui s’est accompli à toutes les grandes époques de l’humanité, dit-il, doit s’accomplir encore,

mais non pas de la même façon que dans l’antiquité. C’est la grande loi de migration qui a fondé toutes les grandes choses humaines. Ceux qui connaissent l’histoire savent que c’est ainsi que l’humanité s’est toujours régénérée. C’est toujours une civilisation nouvelle qui est venue se placer à une certaine distance de l’ancienne, en apportant à l’humanité une vie nouvelle, une conception nouvelle de la vie. »

Et il termine ainsi :

« Nous marchons à l’association ; souffrez-la, ouvrez-lui la terre, la terre, notre mère.

« Oui, c’est vers la terre, vers l’agriculture que l’association, que la commune républicaine doit marcher. Il faut lui ouvrir la route. Autrement, vous allez être obligés d’enfermer l’essaim dans la ruche, et alors ce qui s’observe dans les abeilles s’observera dans la société humaine : la guerre, la guerre implacable. Comment concentrer ce qui veut vivre ? comment contenir ce qui veut sortir, ce que la loi divine veut qui sorte ! »

Ce discours si inattendu, qui semblait adressé à un concile plutôt qu’à une assemblée politique, causa une impression singulière. On n’entrevoyait qu’à travers un voile nébuleux les horizons qu’embrassait la pensée du philosophe ; mais on était monté au ton tragique ; les âmes étaient remplies de tristes pressentiments ; on sentait l’approche des mauvais jours. Personne n’imagina de railler les paroles prophétiques de M. Pierre Leroux. M. de Montalembert vint lui serrer la main avec effusion en signe d’assentiment.

    cette image, disait, en s’adressant au général Cavaignac : « Tu as tué l’enfant pour sauver la mère. »