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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

l’influence. Ses premiers empressements furent pour M. de Lamartine, le seul membre du gouvernement qui, par ses relations, tînt à l’ancienne société légitimiste, et qui, par sa femme, très-fervente catholique, n’était pas sans rapport avec le parti clérical, mais, tout en cultivant M. de Lamartine, il ne négligeait pas M. Marrast. À peine eut-il entrevu les chances politiques du général Cavaignac, qu’il se tourna de son côté. En même temps, il flattait, en la personne de M. Pierre Leroux, le socialisme, et dès les premières manifestations favorables au prince Louis Bonaparte, il se rapprochait de M. de Persigny. Il jouait avec une facilité merveilleuse ce personnage multiple, en gardant toujours, dans son langage sobre et contenu, dans ses manières pleines de réserve, une sorte de dignité modeste qui cachait à tous les yeux son ambition et ses haines profondes.

Ce fut lui qui, à l’ouverture de l’Assemblée, décida son parti à porter au fauteuil M. Buchez, dont les idées révolutionnaires, singulièrement rattachées au dogme catholique, convenaient mieux à sa politique que le républicanisme rationnel et libéral de la majorité. Il tâcha de se faire nommer membre de tous les comités importants. Il sut prendre de l’ascendant dans le comité du travail et dans la commission des ateliers nationaux ; il y accusa, sans ménagements, le pouvoir exécutif, et particulièrement le ministre des travaux publics ; il peignit les ateliers nationaux sous les couleurs les plus effrayantes. Du moment que M. de Falloux fut nommé rapporteur de la commission, la dissolution immédiate fut assurée. Cependant, comme il craignait toujours un retour de l’opinion, il se hâta, pensant ainsi engager ses collègues, d’annoncer au dehors une résolution qui n’était pas encore prise ; il dit partout que la dissolution était prononcée[1].

Dans le même temps, sur l’ordre de la commission exécutive, le ministre des travaux publics signait, le 21 juin,

  1. Elle ne le fut qu’après l’insurrection, dans la séance du 28 juin, par l’Assemblée nationale.