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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

milliers d’hommes, que la population paraît favoriser, au moins de ses vœux. De tous côtés on leur apporte des armes. Dans le même temps, sur un ordre simultané, mystérieux, des barricades s’élèvent au faubourg Saint-Martin, au faubourg du Temple, au faubourg Saint-Antoine, sur la place de la Bastille et dans tout le faubourg Poissonnière. Sur la rive gauche de la Seine, la place du Panthéon, le faubourg Saint-Jacques, la Cité, sont occupés par les ouvriers. À onze heures, la moitié de Paris semble déjà leur appartenir, quand, pour la première fois, on entend battre le rappel ; on n’a vu jusqu’alors, sur aucun point, paraître aucune troupe.

La probabilité d’une insurrection prochaine est cependant, depuis près d’un mois, le sujet de tous les entretiens. À différentes reprises, la commission exécutive en a délibéré avec le ministre de la guerre. Elle a discuté avec lui, non-seulement le chiffre des troupes nécessaires, mais encore le mode le meilleur de les disposer et de les faire agir.

Sur le premier point on est tombé d’accord. Une garnison effective de vingt mille hommes qui, avec les seize mille hommes de gardes mobiles, les deux mille six cents gardes républicains et les deux mille cinquante gardiens de Paris, formerait un total de plus de quarante mille hommes, suffirait et au delà pour le premier moment.

Plus de quinze mille hommes dans la banlieue et dans les garnisons voisines peuvent arriver en quelques heures. Avec une pareille armée, pour peu que la garde nationale se montre telle qu’on l’a vue au 16 avril et au 15 mai, on doit se croire assuré de vaincre, et sans beaucoup de peine, le soulèvement populaire.

En ce qui concerne l’emploi des troupes, il s’est élevé deux avis. Plusieurs des membres de la commission exécutive souhaiteraient qu’on prévînt l’insurrection générale ; qu’on la gagnât, pour ainsi dire, de vitesse ; qu’on l’étouffât avant même qu’elle ait eu le temps de naître,