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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

mandant Bassac, à la tête du 5e bataillon de la garde mobile, affrontait le feu avec une intrépidité qui électrisait sa jeune troupe. Quatre insurgés périssent de sa main ; il en désarme deux autres. Le général Rapatel, qui voit ces prodiges de courage, va vers lui, lui tend la main, et, l’embrassant sous le feu de la barricade : « Vous et votre bataillon, lui dit-il, vous vous couvrez de gloire. »

Rien n’était plus vrai ; la bravoure des enfants de la garde mobile, en cette première et terrible épreuve, ne saurait être même imaginée par ceux qui n’en ont pas été témoins. Le bruit des décharges, le sifflement des balles, leur semblent un jeu nouveau qui les met en joie. La fumée, l’odeur de la poudre les excite. Ils courent à l’assaut, grimpent sur les pavés croulants, se cramponnent à tous les obstacles avec une agilité merveilleuse. Une fois lancés, nul commandement ne les saurait plus retenir ; une émulation jalouse les emporte et les jette au-devant de la mort. Arracher un fusil des mains sanglantes d’un combattant, appuyer sur une poitrine nue le canon d’une carabine, enfoncer dans des chairs palpitantes la pointe d’une baïonnette, fouler du pied les cadavres, se montrer, debout, le premier, au plus haut de la barricade, recevoir sans chanceler des atteintes mortelles, regarder en riant couler son propre sang, s’emparer d’un drapeau, l’agiter au dessus de sa tête, défier ainsi les balles ennemies, c’étaient là, pour ces débiles et héroïques enfants de Paris, des ravissements inconnus qui les transportaient et les rendaient insensibles à tout.

Il ne fallut pas moins que ce transport de jeunesse et cette folie de gloire, soutenus par la valeur brillante et calme des officiers de l’armée, pour entraîner les régiments et la masse de la garde nationale. Si la garde mobile avait passé à l’insurrection, comme on l’appréhendait, il est à peu près certain que la victoire y eût passé avec elle.