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HISTOIRE

Cependant, un jeune garde national, M. Dreyfuss, qui s’était offert au général Lamoricière pour faire, à ses côtés, le périlleux service d’aide de camp, arrivait auprès du général Cavaignac. Il lui explique brièvement la situation des troupes ; les pertes nombreuses qu’elles ont déjà faites ; l’impossibilité où elles sont de garder leurs avantages dans un espace immense où la population protège l’insurrection. Il lui dit les actes presque insensés de valeur que fait le général pour animer les soldats. À ce récit, Cavaignac a peine à contenir son émotion ; son angoisse intérieure est cruelle. Il voit, à n’en pouvoir douter, qu’il n’a sous la main que des forces insuffisantes. Il écoute depuis quelques heures avec impatience ou dédain les récits confus et troublés par la peur que viennent, à toute minute, lui faire les officiers de la garde nationale, les maires et les représentants ; mais, en apprenant que Lamoricière, dont les rapports ont été jusque-là pleins de confiance, demande qu’on vienne à son secours, il se sent saisi d’une inquiétude extrême.

Il connaît d’ancienne date la bravoure de Lamoricière ; il a vu avec quelle ardeur de dévouement, abjurant leurs anciennes querelles, il vient d’accepter de ses mains un commandement subordonné. S’il demande du secours, c’est qu’il est dans une situation désespérée.

« Dites au général que je vais moi-même lui conduire du renfort, » dit Cavaignac à M. Dreyfuss. Presque aussitôt il monte à cheval et s’avance par les boulevards vers le Château-d’Eau à la tête d’une forte colonne d’attaque.

Le général Cavaignac est escorté des représentants Landrin, Jules Favre, Heeckeren, Flandin, Prudhomme, de Ludre. M. de Lamartine, accompagné par les représentants Pierre Bonaparte, Treveneuc et Duclerc, se joint à lui. Tous deux, sans se le dire, sont atteints d’une tristesse profonde. Tous deux roulent des pensées sinistres.

« Je n’étais encore à ce moment que ministre de la