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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

trottoirs encombrés de cadavres. Un second assaut n’a pas d’autre effet. Cavaignac engage successivement les sept bataillons qui composent sa colonne, et sans plus de résultat. Alors, il fait avancer le canon. Seul, à cheval, au milieu du pavé, ajusté de toutes parts, il reste immobile et donne ses ordres avec un sang-froid parfait ; les deux tiers des servants de pièces sont tués ou blessés à ses côtés. Le général envoie plusieurs détachements par les rues latérales pour essayer de tourner la barricade. Tout est en vain. Les heures passent ; les munitions s’épuisent. Cavaignac, qui est venu pour porter du renfort à Lamoricière, est contraint de lui en faire demander. La nuit approche. Ce n’est qu’après une lutte de près de cinq heures que la barricade est enfin prise par le colonel Dulac, à la tête du 29e régiment de ligne. On compte près de trois cents soldats mis hors de combat ; le général François est blessé ; le général Foucher a reçu une contusion très-forte.

Cavaignac, le cœur navré de ce triste succès, reprend le chemin du Palais-Bourbon. Il y avait laissé M. Ledru-Rollin, en lui faisant promettre de ne donner aucun ordre en son absence. Près de quatre heures s’étaient écoulées. Pendant ce temps, plus de quatre cents personnes, gardes nationaux, représentants, adjoints des maires ou commissaires de police, étaient accourues à la Présidence.

Seul, en butte aux questions, aux reproches, aux soupçons les plus outrageants, M. Ledru-Rollin était en proie à de cruelles perplexités. On lui demande des ordres ; il a promis de n’en pas donner. On veut savoir où est le général en chef, et il l’ignore. On murmure ; on parle de trahison, on l’accuse, on le rend responsable de tout ; lui qui ne peut rien.

Enfin, ne voyant pas revenir le général Cavaignac et ne sachant que croire, M. Ledru-Rollin prend sur lui, malgré sa promesse formelle, de faire jouer le télégraphe, pour mander au plus vite, par les chemins de fer, les régiments de ligne, la garde nationale des départements, et