Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
398
HISTOIRE

d’Austerlitz, l’autre rue Popincourt. L’adjoint, M. Edmond Adam, s’offre à les aller dégager à la tête d’un bataillon de la garde mobile. Il parlemente avec les insurgés ; on voudrait encore éviter d’employer contre eux la force. Les insurgés eux-mêmes paraissent disposés sur ce point à retarder le combat ; ils laissent passer la troupe ; mais les officiers, ne pouvant faire franchir les barricades à leurs chevaux, les abandonnent au peuple et arrivent, à pied, à la tête de leurs bataillons. Ce spectacle produit sur les soldats une sensation fâcheuse.

D’un autre côté, une compagnie de la garde républicaine, envoyée à onze heures du matin pour déblayer le Petit-Pont et la place Saint-Jacques, ne reparaît pas, et bientôt on vient dire qu’elle est restée prisonnière. On sait que ces hommes sont d’une bravoure éprouvée. Il n’est pas vraisemblable qu’ils se soient laissé désarmer ; n’ont-ils pas plutôt passé à l’insurrection ? Le colonel Vernon et le lieutenant-colonel Baillemont, qui les commandent, déclarent qu’ils ne sauraient répondre de l’impression qu’auront pu produire les discours des insurgés sur une troupe dont les relations avec le peuple sont aussi étroites.

Enfin le général Bedeau porte plus loin encore ses soupçons. Il doute de l’esprit qui anime l’artillerie de la garde nationale, dont le colonel, M. Guinard, représentant du peuple, ancien conspirateur et ami de Barbès, a siégé, depuis l’ouverture de l’Assemblée, sur les bancs de la gauche.

Nous allons voir tout à l’heure par combien d’héroïsme ces soupçons injustes seront dissipés. Nous assisterons à un élan inouï de courage et de dévouement qui va pousser les gardes mobiles, les gardes républicains, les chefs et les soldats les plus fortement attachés à la révolution, à défendre contre l’égarement des instincts populaires le principe même de la démocratie, c’est-à-dire la souveraineté du peuple, librement et légalement exprimée au sein de l’Assemblée constituante.