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HISTOIRE

L’un des représentants qui parla le plus fortement dans ce sens, ce fut M. Grévy, représentant du département du Jura. C’était un esprit ferme et tempéré, à qui l’amour du bien et l’habitude des choses honnêtes traçaient toujours, sans qu’il eût besoin d’efforts, la ligne la plus droite. Sa parole était grave, lucide ; il possédait cette logique invincible de la sincérité qui gagne tous les bons esprits. L’un des nouveaux venus dans l’Assemblée, il s’y était promptement acquis, sans intrigue et même sans ambition, une considération particulière. Républicain par réflexion plutôt que par entraînement, il ne concevait le progrès que par la liberté. Se tenant à cette notion très-simple, mais bien rare dans les querelles de parti, il parut constamment, au sein de l’Assemblée, comme une expression modeste de sa meilleure conscience, comme un exemple parfait de l’esprit parlementaire appliqué dans toute sa sincérité à l’affermissement et à l’extension des institutions démocratiques.

La répulsion de M. Grévy pour l’état de siège fut très-combattue par les membres actifs des partis dynastiques et surtout par ceux du parti clérical qui s’efforçaient de démontrer que l’état de siège ne serait pas ce qu’on pensait. « On voulait simplement, disaient-ils, une plus grande concentration des pouvoirs pendant le combat, afin de rendre la résistance militaire plus énergique ; mais l’état de siège ne pourrait jamais signifier, pour une assemblée républicaine, ni l’arbitraire des jugements, ni la suppression de la liberté. » Cette opinion s’appuyait sur un grand fait contemporain. Lorsqu’en 1832, les ministres de Louis-Philippe, sans consulter les Chambres, eurent mis Paris en état de siège, un insurgé fut condamné à mort par le conseil de guerre. L’opinion se souleva ; M. Odilon Barrot plaida pour le condamné devant la cour de cassation. Il attaqua, non le droit du gouvernement de déclarer en certains cas l’état de siège, mais l’illégalité des commissions militaires. Il soutint que l’état de siège impliquait non pas les