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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

et à réclamer, chose bien naturelle, l’appui d’un parent de sa mère.

Soit pressentiment de ce qui devait arriver, soit tout autre motif, M. Louis Blanc prit lentement, à contre-cœur, le chemin de l’hôtel Pozzo di Borgo. L’accueil qu’il y reçut fut plein de politesse. Le général l’interrogea avec bienveillance, promit de songer à son avenir ; puis, quand il estima que l’entretien s’était suffisamment prolongé, il sonna et donna à demi-voix un ordre à son valet de chambre. Celui-ci, au bout de peu d’instants, rentra, tenant à la main une bourse convenablement garnie. À cette vue, M. Louis Blanc, qui avait répondu avec effort à l’interrogatoire de son nouveau protecteur, sentit la rougeur lui monter au front. Se contenir lui devint impossible lorsqu’il vit qu’un serviteur du frère de sa mère lui remettait de sa part une aumône. Toute sa fierté personnelle, tout son orgueil de famille se révolta. Jetant la bourse au loin et donnant un libre cours aux sentiments qui le suffoquaient, il repoussa, sans plus rien ménager, une protection qui prenait des formes si offensantes et quitta brusquement, pour n’y jamais revenir, une demeure où désormais son nom ne fut plus prononcé qu’avec colère.

Par un hasard heureux, à peu de temps de là, l’un de ses amis l’introduisit chez M. Hallette, riche fabricant d’Arras, qui cherchait pour son fils un précepteur. Celui-ci vit M. Louis Blanc avec plaisir, l’écouta favorablement, mais il ne pouvait se résoudre néanmoins à revêtir de la grave fonction de pédagogue un homme dont la taille enfantine, le geste et le rire faciles exprimaient l’insubordination d’une adolescence espiègle bien plus que l’autorité du professorat. Une femme intelligente intervint et fit taire les scrupules du père de famille. M. Louis Blanc partit pour Arras. Ce fut son premier pas dans une carrière où la célébrité vint pour ainsi dire à sa rencontre. Ce fut là qu’il entra dans la publicité en donnant à un journal radical des articles d’une facture excellente, et qu’il exerça pour la