Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/478

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
474
HISTOIRE

ment alors la raison et qui remuait les entrailles de la France.

J’ai tâché d’expliquer, en retraçant les fautes politiques des partis qui se formèrent au sein de l’Assemblée, comment s’opéra la scission entre les deux classes qui, dans Paris, avaient fait la révolution, si ce n’est de concert, du moins ensemble.

Cette scission funeste, née dans le cerveau malade de quelques fanatiques, rendue plus profonde par l’inaction du gouvernement, par les excitations des factieux et les prédications des sectaires, cet antagonisme plus factice que réel, entre la république politique et la république sociale entre la bourgeoisie et le prolétariat, aboutit, comme nous venons de le voir, par une logique rapide à la révolte et à la défaite des prolétaires.

La victoire que l’Assemblée nationale remporta sur l’insurrection fut applaudie par la France et par l’Europe, comme une victoire de l’ordre sur l’anarchie. Cette appréciation était juste, mais incomplète. Réprimer une révolte contre la souveraineté nationale, c’était assurément rétablir l’ordre, mais non pas seulement un ordre apparent et tout matériel, tel que le concevait la peur du vulgaire, ou tel que le voulait, en attendant autre chose, l’hypocrisie des partis, c’était surtout rétablir cet ordre moral autant que politique, qui naît, dans une société libre, de la soumission des esprits à des institutions conformes à l’état des mœurs.

C’est ainsi que le comprit l’Assemblée constituante lorsqu’elle conféra le pouvoir suprême à un homme dont le nom et l’épée étaient tout à la fois un symbole et un gage de l’ordre républicain. De son aveu, de l’aveu du peuple qu’elle représentait, l’idée républicaine se concentra dans un homme, comme pour se rendre plus sensible. Afin d’imposer mieux à ses ennemis le sentiment de sa force, elle se personnifia dans un soldat.

En présence de ce grand fait, la société préservée de